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Pages de Jurisprudence sociale : Le caractère nécessairement explicite de la démission

Les Pages de Jurisprudence Sociale – Décembre 2015

LE CARACTERE NECESSAIREMENT EXPLICITE DE LA DEMISSION …
Cour d’appel de Lyon – 23 octobre 2014

EXPOSE DES FAITS
Au terme d’un arrêt maladie de plusieurs semaines une salariée de la région stéphanoise ne reprend pas le travail.
Après investigation de l’employeur il apparait que cette salariée a déménagé et qu’elle exerce les fonctions de gérante ou co-gérante de plusieurs sociétés dans la Région de Perpignan.
La salariée ne manifeste aucune intention de reprendre son poste mais elle ne formalise pas plus son intention de démissionner.
Après 5 mois de statu quo l’employeur prend acte de la démission de la salariée et lui adresse par courrier recommandé A.R. son solde de tout compte et ses documents de fin de contrat visant une démission.
La salariée saisit alors la juridiction prud’homale aux fins de faire requalifier la rupture en licenciement sans réelle ni sérieuse au motif de l’absence d’intention clairement exprimée par elle-même de démissionner.
Le conseil de prud’hommes de Lyon suit la salariée dans ce raisonnement. La Cour d’appel de Lyon valide cette position.

OBSERVATIONS
Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Lyon est amenée à statuer sur les conditions devant être remplies pour qu’un employeur puisse considérer un salarié comme valablement démissionnaire.
A ce titre, la Cour d’appel de Lyon rappelle le grand principe de notre droit du travail selon lequel toute démission doit résulter de la manifestation d’une volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner.
Il déduit de cette exigence que la démission ne peut se présumer en se déduisant notamment du comportement du salarié.
L’employeur ne pouvait donc déduire du comportement de non –reprise de son poste par le salarié qu’il entendait nécessairement se porter démissionnaire.
Sont ainsi écartés par la Cour les indices suivants qui sont considérés comme insuffisants pour établir une intention claire de démissionner :
– l’absence de reprise du travail après une période d’arrêt maladie et le silence gardé ;
– le déménagement dans une autre région du salarié ;
– la prise de fonction de gérance de sociétés dans sa nouvelle région de résidence ;
– la signature du solde de tout compte de démission sans réaction par la salariée.
Compte tenu du faisceau d’indices concordants la Cour d’appel de Lyon pousse donc à son paroxysme l’application du principe selon lequel la démission ne peut se déduire du comportement du salarié mais doit être clairement exprimée.
L’analyse de la jurisprudence de la Cour de cassation montre que celle-ci a par le passé fait preuve de plus de souplesse.
La Cour de cassation avait ainsi retenu l’intention de démissionner dans des situations où le salarié, après avoir abandonné son poste avait repris une autre activité (Voir Cass. Soc. 4/01/2000 n°97-43572) ou encore de l’inscription comme demandeur d’emploi après une absence prolongée (Cass. Soc. 10/03/2004 n°02-40652).
Néanmoins dans de nombreux autres arrêts la Chambre Sociale avait déjà fait prévaloir des positions beaucoup plus strictes. La Cour a notamment estimé que le fait pour un salarié d’avoir recherché et trouvé un nouvel emploi dans le contexte d’une liquidation judiciaire ne témoignait pas d’une volonté claire et non équivoque de démissionner (Cass. Soc. 13 avril 2005 n°03-42467).
La position de la Cour d’appel de Lyon est donc clairement dans une tendance de durcissement dans l’application du principe.
On peut cependant approuver cette position d’un point de vue juridique mais si elle pourrait sembler choquante en équité au premier abord.
Cette orientation permet, en effet, de clarifier le traitement de ce type de situations ambigües en éliminant totalement la possibilité de considérer le salarié démissionnaire. Cette position claire permet d’éviter l’insécurité juridique que créée la casuistique jurisprudentielle actuelle de la Cour de cassation dans laquelle il est très difficile de se repérer.
Cette clarification jurisprudentielle ne laisserait pour autant pas l’employeur sans faculté d’actions face à ce type de situations qui constituent clairement une violation des obligations contractuelles du salarié pouvant appeler un licenciement, le cas échéant pour faute grave.
La position de la Cour d’appel de Lyon nous semble donc gage d’une plus grande sécurité juridique sans remettre en cause l’équilibre entre les parties du contrat de travail.

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