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Pages de Jurisprudence sociale – Atteinte au secret des correspondances et violation d’un système informatique – protection du lanceur d’alerte

Les Pages de Jurisprudence Sociale – avril 2017

ATTEINTE AU SECRET DES CORRESPONDANCES ET VIOLATION D’UN SYSTÈME INFORMATIQUE

LA PROTECTION DU LANCEUR D’ALERTE

Cour d’Appel de Chambéry – 16 novembre 2016

 

 

EXPOSE DES FAITS

Une entreprise industrielle découvre dans différents articles de journaux et sites média, des extraits d’un mail interne hautement confidentiel, entre un directeur de site et le DRH France, concernant une stratégie à mettre en œuvre à l’égard d’une Inspectrice du Travail.

Une plainte est déposée pour atteinte au secret des correspondances, accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données, et maintien frauduleux au sein dudit système.

 

 

OBSERVATIONS

Avaient comparu en correctionnel l’Administrateur réseaux de la société, ainsi que l’Inspectrice du Travail, le premier pour accès frauduleux et maintien au sein du système informatique, la deuxième pour recel d’un bien provenant d’un délit (ladite introduction et le maintien dans le serveur informatique) et pour violation du secret professionnel.

En appel, le Parquet Général ne défendait plus à l’encontre de l’Administrateur réseaux l’accès frauduleux au système informatisé, mais requerrait sur le fondement du maintien frauduleux au sein du système de traitement informatisé, et de la violation du secret des correspondances, la confirmation de sa condamnation.

Et contre l’Inspectrice du Travail, le recel de délit, et également la violation du secret des correspondances.

Préventions que la Cour d’Appel considère comme caractérisées.

En effet, si l’informaticien avait pu faire état de sa qualité d’Administrateur réseaux  pour justifier qu’il avait navigué au sein du système informatique, le fait qu’il se soit maintenu au sein du réseau, et plus spécialement des mails de la DRH et en clair il y ait mené des recherches à des fins personnelles, alors qu’il reconnaissait savoir qu’il outrepassait ses droits, caractérisait une infraction pénale.

Mais surtout le fait qu’au cours de ces investigations frauduleuses, il ait par hasard découvert un mail interne et hautement confidentiel de la Direction, d’ailleurs protégé par un code secret, et concernant une démarche stratégique à mener à l’encontre de l’Inspectrice du Travail, que la société trouvait particulièrement entreprenante, ne lui permettait pas d’en garder une trace ni d’en faire copie.

Pour échapper à cette évidence, l’Administrateur réseaux avait souhaité plaider sur la protection des lanceurs d’alerte, constituée par la loi du 6 décembre 2013 et codifiée sous l’article L°1132-3-3 du Code du Travail.

La Cour n’accueille pas cet argument.

D’abord parce que ces dispositions ne concernent que les relations de travail entre employeurs et salariés de droit privé, mais aussi et surtout parce que les textes prévoient une protection pour les salariés ayant « relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont ils auraient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions ».

Or, en l’espèce, la Cour d’Appel retient, en étayant son arrêt, que:

  • Ce texte n’offre une protection que si les faits invoqués ne sont pas seulement « susceptibles de constituer un délit ou un crime» mais sont « nécessairement constitutifs d’un délit ou d’un crime »
  • Cette protection ne constitue pas « une nouvelle cause d’irresponsabilité pénale, protégeant le lanceur d’alerte d’une infraction qu’il pourrait commettre ».

En clair la Cour d’Appel rappelle que la protection du lanceur d’alerte ne concerne que les salariés du privé, et ne peut dès lors être élargie aux fonctionnaires, en l’espèce une Inspectrice du Travail se sentant menacée, mais surtout, que la possibilité de bénéficier de cette protection est subordonnée au fait que les faits dénoncés soient immanquablement constitutifs d’un délit ou d’un crime, et pas seulement « susceptibles de l’être ».

S’ensuit que l’Administrateur  réseaux étant pénalement responsable d’un maintien frauduleux dans le système informatique, et d’une violation du secret des correspondances, l’Inspectrice du Travail, qui avait utilisé les documents que lui avait fournis l’Administrateur réseaux, et les avait communiqués à différents syndicats du Ministère du Travail, avait commis une double infraction de recel de biens provenant d’un délit, mais également de violation du secret des correspondances.

Et la Cour de noter que l’Inspectrice du Travail, plutôt que de transmettre à des tiers ces documents confidentiels qui manifestement étaient susceptibles de témoigner de l’attitude organisée de l’entreprise visant à la déstabiliser, aurait dû les soumettre au Procureur de la République, qui eut alors été « susceptible » de s’en emparer.

Et qu’à défaut de l’avoir fait, elle a caractérisé tout à la fois sa mauvaise foi, et sa volonté évidente de nuire à la Direction de l’entreprise …

 

Frédéric RENAUD

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