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Pages de Jurisprudence sociale – Inaptitude médicale et intimité de la vie privée

Les Pages de Jurisprudence Sociale – Décembre 2016

INAPTITUDE MEDICALE ET INTIMITE DE LA VIE PRIVEE

Conseil de prud’hommes de Lyon – 6 septembre 2016

 

Exposé des faits

Une société spécialisée dans l’installation de structures métalliques, de chaudronnerie et de tuyauterie, recrutait en 2006 un apprenti, qui devenait en 2008 mécanicien, puis assistant technique.

Au cours de l’exécution de son contrat, en 2011, le salarié, qui avait été affecté au chantier de la Raffinerie de FEYZIN, était placé en arrêt maladie, puis déclaré « inapte au poste à la Raffinerie de FEYZIN », le Médecin du Travail diagnostiquant « un risque d’exposition accidentelle au Benzène et au Butadiène »

L’entreprise l’affectait alors à d’autres chantiers.

Quatre ans plus tard, une affectation temporaire de 3 semaines lui était notifiée par son employeur sur ce même site de la Raffinerie de FEYZIN, mais à un département différent de celui qu’il avait intégré préalablement à l’inaptitude de 2011.

Le salarié refusait de prendre son poste, invoquant des motifs médicaux.

Après différents échanges avec son employeur qui lui rappelait que l’affectation n’était que temporaire (3 semaines) et ne relevait pas du service de maintenance qu’il occupait en 2011, mais d’un service différent, chacune des parties restait campée sur sa position : le salarié refusait de rejoindre son poste, l’employeur entendait le lui imposer.

Au bout de 15 jours, l’employeur convoquait son salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui devait se tenir le 20 mars 2015.

La veille, le salarié, qui ne s’était pas présenté à son nouveau poste de travail, était vu en visite médicale par le Médecin du Travail qui rendait un avis médical précisant : « une affectation même provisoire sur le site de FEYZIN comme en 2011 est à déconseiller ».

Lors de l’entretien, le salarié remettait ledit avis médical à son employeur.

Pourtant, l’employeur prononçait le licenciement pour refus de se soumettre au pouvoir de Direction qui lui appartenait.

 

OBSERVATIONS

Dans une démarche particulièrement avisée, le salarié faisait plaidé que les demandes réitérées de l’employeur, visant à connaitre les éléments médicaux qui l’empêcheraient de prendre son poste, temporairement, sur le site de FEYZIN, ne relevaient pas de la légitime demande d’informations de l’employeur sur la santé de son salarié, mais constituaient une tentative d’immixtion dans sa vie privée, qui n’était pas acceptable.

Le suivant partiellement, le Conseil considère, alors que le salarié plaidait sur la nullité du licenciement (comme étant fondée sur son état de santé), que le fait d’avoir à toute force voulu connaitre sa situation médicale, était illégitime ; et que par ailleurs, l’entreprise ne pouvait se prévaloir du refus du salarié de communiquer des informations médicales, pour considérer qu’il faisait acte d’insubordination.

Partant, le conseil estime que le licenciement n’est pas nul, mais dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Se pose ainsi la question de savoir si en définitive le Conseil n’a pas été exagérément séduit par l’argumentation de l’Avocat du salarié, qui consistait à mettre en avant la tentative de l’employeur d’immixtion dans la vie privée médicale de son salarié, alors qu’il aurait pu simplement considérer, après avoir écarté d’un trait de plume cette difficulté, que l’employeur ne pouvait s’affranchir des recommandations du Médecin du Travail, qui estimait qu’un poste sur FEYZIN était « déconseillé ». Ce qui pouvait rendre parfaitement légitime le refus du salarié de prendre un poste qui lui était « déconseillé », et donc illégitime la mesure disciplinaire.

En effet, la question de la légitimité de l’employeur à s’enquérir des raisons médicales d’une inaptitude, partielle ou totale, si elle empiète par définition sur la vie privée, pourrait être considérée comme relevant néanmoins, à tout le moins partiellement, de ses prérogatives et obligations, puisqu’il lui appartient, pour respecter son obligation de sécurité que la Jurisprudence considère comme étant de résultat, d’avoir une idée suffisamment précise des contraintes médicales de ses salariés.

Sans doute au cas d’espèce, l’employeur a-t-il eu le tort de rester trop rigide pour protéger son pouvoir de Direction et de ne pas imaginer que la Juridiction prud’homale ne pourrait accepter qu’un salarié soit affecté sur un site, pour lequel quelques années auparavant une inaptitude absolue avait été décrétée.

Et ce alors que, à l’époque, l’employeur n’avait pas saisi l’Inspection du Travail pour venir contester la décision prise par le Médecin du Travail … Nul doute que les nouvelles compétences dévolues au Conseil de Prud’hommes sur ces éventuelles contestations de décision de Médecines du Travail vont conduire dans les années à venir à des saisines sur ce seul chapitre, se tourner vers le Conseil de Prud’hommes pouvant sembler plus accessible et fluide que l’obligation de solliciter sur ce point, l’Inspection du Travail.

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